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Edward Smith Music Reviews

13 octobre 2015

Ofthe - Green (2013)

Source: Externe

Nationalité : Américains

Genre : Pop, Rock, Dance, R&B

Membres (au moment de l'enregistrement de l'album) :
- Drew Ofthe Drew (Basse, autres instruments sur quelques titres)
- Johanna Teters (Chant),
- JP Bouvet (Batterie),
- Ian Barnett (Batterie),
- Maddie Rice (Guitare).

Autres musiciens ayant contribué à l'album : Chris Leon (mixing), Dave Mackay (clavier sur Rage Space), Sulene van der Walt (guitare sur quelques titres comme Rage Space, View Ofthe Drew Theme Song, Don't Wanchu).
Label : Aucun (à confirmer).
Durée totale : 41min22s.
Tracklist :
    1.    Bash City - 02:44
    2.    Can't Save Me – 03-22
    3.    Pull Me Down – 05:44
    4.    My Fire – 04:01
    5.    View Ofthe Drew Theme Song – 00:59
    6.    Rage Space – 03:23
    7.    Padfoot and Prongs – 02:57
    8.    Don't Wanchu – 01:35
    9.    Jaypian – 03:24
    10.  Cry,Die,Fly – 05:07
    11.  Compatible – 04:48
    12.  6 to the 8 – 05:46
    13.  Pagodes – 01:20


Contexte d'écoute : Ecouteurs branchés sur Macbook Air (Lecteur : VLC)

La pop est-elle un genre ? C'est une question qu'il faudrait sérieusement débattre tant les visages qu'elle adopte divers et tant les artistes qui s'en réclament ou y sont associés ont changé au travers des années. Pourtant, il y a des titres qui, dès la première, sonnent "pop", et ce peu importe le succès de ce dernier ; voyons avec Green de Ofthe si ce sentiment est incompatible avec une musique de qualité.

 

            Si le fan de metal n’a que peu connu une période de gloire populaire – à l’exception peut-être de certaines formations Hair Metal puis Nu Metal -, le fan de rock est entré, depuis presque vingt ans, dans une forme de misère tirant à la nostalgie. Alors que le genre pouvait dominer les charts dans les années 60, 70 ou 80 au travers de groupes devenus aujourd’hui plus que cultes, les années grunge qui ont marquées la dernière décennie du siècle précédent, portées entre autre par Nirvana, semble avoir été la dernière reconnaissance du Billboard 100 envers ce que nous pourrions appeler un « rock traditionnel », plein de guitares saturées et de grosses batteries. On me citera bien sûr d’autres groupes de rock ayant connu un extrême engouement, y compris jusqu’à obtenir un succès commercial très « pop » (Muse, Fall Out Boy, …) ; il est cependant indéniable que le rock a changé de visage, et que les fans de ses premières heures se sentent quelque peu en marge d’un paysage musical dominé par le rap et l’EDM, quel qu’en soit la qualité.

            Dès lors, il est de bon ton dans les cercles rock de devenir extrêmement critique d’un certain nombre de genres qui ont, souvent par des moyens tout à fait extérieurs à la qualité musicale des artistes il est vrai, réussi à dominer le paysage musical populaire. Le rap, bien sûr, mais aussi toute forme de musique électronique, le R&B entendu au sens moderne du terme, ainsi que le peu d’artistes rock arrivant encore à atteindre un publique pop par un son très « alternatif » ou « punk-rock ». Or, ce dédain ne touche pas que les artistes établis qui n’auront que faire d’une bande de post-hippies racontant en boucle à leurs enfants dubitatif l’incroyable expérience d’avoir vu Led Zepplin en live dans les années 70 ; il touche aussi des artistes véritables, aux horizons plus larges, qui apportent autant au rock qu’à la scène pop en risquant de se révéler aussi fan des Red Hot Chili Peppers que de Justin Timberlake, des Rolling Stones que de Skrillex, et à prouver dans leur musique qu’il est possible d’être très pop et très bon.

            Ofthe n’a certes pas (encore) rencontré un grand succès populaire ; mais il est, par sa production et son rendu sonore, résolument pop, et fier de l’être. C’est un groupe pop au sens 2.0. du terme, aimant se montrer sur les réseaux sociaux, tenant même une émission sur YouTube permettant une forme de proximité avec son publique autant que de se présenter comme un groupe « local », ces groupes jeunes que nous connaissons tous, liés par l’amitié et la proximité  géographique avant même la musique qui vient en quelque sorte renforcer ces liens déjà acquis. Pourtant les membres d’Ofthe ne sont pas de simples connaissances de lycée ou d’université ; ou plutôt, leur rencontre ne s’est pas faite dans n’importe quelle université, mais au Berklee College of Music, établissement qui a compté parmi ces élèves, qu’ils aient obtenu ou non un diplôme, John DeSevio (Black Label Society), Joey Kramer et Brad Whitford (Aerosmith), Ripper (Judas Priest), Sean Reinert (Cynic), Steve Vai la majeure partie de la troupe de Dream Theater (Petrucci, Myung, Portnoy, Rudess), mais aussi, hors le hard-rock et le métal, Rivers Cuomo de Weezer, Alex Newell de Glee, Trey Parket, co-créateur de South Park, ou encore Park  Jae-Sang, que vous connaissez sans doute mieux sous le nom de PSY. Si certains sont sceptiques vis-à-vis ce genre de « boîte à talents », ils admettront la diversité certaine des genres représentés, qui est peut-être une piste à suivre pour comprendre l’ouverture dont fait preuve Ofthe sur tous les genres du rock, ainsi que sur des procédés employés en musique électro.

            Ofthe est-il alors un groupe « scolaire » ? Ont-ils été « formatés » ? Il nous faudrait avoir une connaissance bien plus détaillée que la notre au sujet du Berklee College of Music pour répondre. Néanmoins, si formatage il y a, il n’est certainement pas dans l’air du temps. Et cela Ofthe nous le prouve dès l’ouverture de l’album par un titre aux allures d’expérimentation, pop par le son, aux antipodes du schéma classique de la pop par la démarche, « Bash City ». Drew Ofthe Drew nous offre, avec Green, un livret fort intéressant pour nous présenter le contexte d’écriture de chacun des titres présents sur l’album ; or, pour « Bash City », Drew indique qu’il s’agit d’une demi improvisation jouant sur les harmoniques de la guitare de « Mad Dawg », la guitariste. Une initiative qui donne tout de suite une tonalité « jam » au morceau, tout en étant porté par un rythme lourd, rappelant moins le rock que certains titres R&B. La tension monte, accompagnée par une basse lancée flanger à fond, aux allures presque Dubstep ; le tout se concluant sur une gamme orientale lancée à pleine puissance. Une introduction digne de l’album en somme, qui mêle divers genres dans un ensemble à la fois fun et puissant, expérimental sans perdre l’auditeur.

            « Can’t Save Me » suit directement le titre, ouvrant sur une basse pleine d’effet et un rythme funky. Johanna Teters aligne sur ce rythme une ligne vocale de qualité, très R&B par ailleurs, d’une voix profonde et légèrement nasale sans devenir agaçante. Le refrain, tout en powerchords et distorsion, rappellera sans mal les Red Hot ou quelque formation punk-rock moderne, attirant de suite l’oreille. Quelques petits phrasés à la guitare accompagnent élégamment le bridge pour donner un aspect rock « traditionnel », tout de suite brisé par un break complètement électro – l’électro crade, pas celle de Ghetta -. Petit riff funky, puis reprise du refrain, finale teinté de l’électro rencontré il y a une minute, et le morceau est dans la boîte. Bien que peut-être légèrement inférieur à d’autres titres analogues de l’album – Drew indique après tout qu’il s’agit de leur première composition -, il témoigne déjà du projet que le groupe aura sur ses morceaux plus « traditionnels », un joyeux mélange qui ravit à la fois les fans plus initiés qui s’amuseront, voire s’émerveilleront des passages fluides entre les genres, et les plus néophytes qui se raccrocheront sans mal à une mélodie accrocheuse et à une guitare très mélodique.

            Puis arrive « Pull Me Down ». Et c’est là que les choses deviennent sérieuses. Un début à la fois très rock et pourtant toujours relativement « nimbé » de l’aspect R&B qui se verra renforcé par les pré-chorus aériens, flottants, mais surtout qui se ressent dans la lourdeur d’un rythme effectué par deux batteurs, comme une sorte de « rythmique électro en acoustique », cède la place à un refrain complètement jubilatoire d’un point de vue vocal. Johanna Teters use de sa voix de tête à bon escient, ne la faisant pas apparaître comme la révélation de la faiblesse de sa voix de poitrine, mais un véritable outil artistique à la résonnance particulière. Des powerchords plaqués accompagnent le tout pour laisser le plus d’espace possible à la chanteuse. Puis Ofthe décide de s’expliquer sur la présence de ses deux batteurs en effectuant une sorte de « double break » relativement jouissif et d’apparence assez technique, avant de reprendre sur le couplet. Lyriquement parlant, il faut avouer que rien de proprement exceptionnel ne se joue, la plupart des chansons tournant autour des thèmes de l’amour, déçu ou non, ou encore du désir ; rien de gênant cependant, d’embarrassant comme peuvent l’être certaines paroles de chansons qui ruinent le travail musical accomplit. On appréciera, sur la fin, les divers changement de rythme qui accompagnent le refrain porté un ton au-dessus – un procédé très, très pop pour le coup -. Ofthe nous offre ici du très lourd, une véritable compréhension du son rock et de comment le dépasser pour en faire autre chose, non pas l’étouffer mais plutôt l’étendre.

            « My Fire » est sans doute l’un des morceaux par lesquels il faudrait, paradoxalement, commencer l’écoute de Ofthe. Toute leur folie s’exprime en quelques secondes : un rap sur un couplet composé d’une grosse basse sur un gros rythme, accompagné de cordes jouées étouffées, ce qui rappellera sans doute à nouveau les Red Hot jusqu’au pré-chorus qui vous plongera carrément dedans avec son rythme très simple, posé sur les contres-temps pour plus de funk. Le rap reprend avec une accumulation des voix qui offre tout de suite un caractère plus expérimental, avant d’enchainer sur un joli refrain tout en majeur, petite guitare funky en accompagnement. Puis reprise de la folie, les voix s’accumulent sur le rap, de plus en plus distordues, avant de mener sur le pré-chorus où voix et guitare semblent se répondre et s’enchainer dans un mix aux allures de piste de DJ. Le refrain est alors mis en valeur, suivant quelques originalités vocales, avant de conclure sur un riff complètement punk dont le rythme s’intensifiera en toute fin, cris déchainés de Teters en prime, puis insert d’une foule en délire que l’on imagine sans mal avec la claque que l’on vient de se prendre.

            Il est cependant un peu dommage de voir arriver, immédiatement à la suite, le « View Ofthe Drew Theme Song », qui se veut être le générique de leurs « Vlogs ». Certes l’ambiance punk est présente afin que la transition avec « My Fire » soit réussie, mais justement ; de l’aveu même de Drew le titre n’est pas grand chose de plus qu’un petit morceau à la Green Day sans partie vocale. On se retrouve donc avec un morceau bien fichu, mais sans aucune prétention, qui devait être là parce qu’il fait parti de l’univers « extra-musical » du groupe. Le parti-pris n’est donc pas inintéressant, puisqu’il semble indiquer que Ofthe cherche à être un peu plus que de la musique, qu’il cherche aussi à se montrer comme un groupe d’amis partageant ce délire un peu étrange. Toutefois, on peut douter que ce titre en soit la meilleure preuve si on se trouve dans l’ignorance de l’image web du groupe.

            Le contraste est d’autant plus saisissant que le titre suivant, « Rage Space », est peut-être le plus expérimental des titres proposés. Démarrant de manière abrupte par le chant de Teters sur un rythme léger, rapidement appuyé par divers effets électro, le tout abouti à un break complètement « dubstep », relativement saccadé, un foutraque de basse profonde et de petits passages atonals dans les aigus. Puis un fade in inattendu accompagne une composition jazz, culminant au moment des vocalises aigues de Teters, toujours en grande forme. L’ensemble est très élégant, le clavier, très rétro, venant trancher avec les effets électro qui avaient introduit le titre. Nous est donc proposé ici une piste bicéphale, démarrant sur le contemporain pour s’en éloigner subitement et subtilement en amenant un jazz enivrant. Pourtant les parties, clairement distinctes musicalement, s’assemblent sans trop de résistance. Bien entendu, le fade-in peut apparaître comme une solution un peu pauvre – elle l’est même chez Daft Punk, qui ne sont pourtant pas des ignares dans le domaine de la transition réussie –. Néanmoins, une fois le titre terminé, on a du mal à envisager les deux parties séparées, tant la relative « violence » de l’une accompagne bien la « douceur » de l’autre.

            Si l’électro ne vous semblait cependant pas assez présent, n’ayez crainte ; « Padfoot and Prongs » semble tout droit tirée d’un EP oublié de Justice, le rythme organique en plus. Pourtant, on remarque vite que tout cela est joué en guitare/basse/batterie, avec force effets avant en pendant le mix, et qu’on écoute en réalité une sorte de mashup entre un basse/batterie lourd et un guitare/batterie plus virevoltant. Une idée intéressante, qui montre que l’on peut avoir une formation rock et jouer en boîte de nuit avec un peu d’imagination et beaucoup de connaissances en mix. La basse de Drew est parfois à peine audible sous la couche d’effets ; la folie est complètement assumée. Peut-être moins accessible que d’autres morceaux de l’album, ce dernier est clairement à placer du côté de l’expérimentation, ce qui n’est en rien déplaisant.

            En parlant de basse pleine d’effets, « Don’t Wanchu » ne fait pas exception à la règle : petite composition courte, marquée par des consonances très, très électro, elle invite cependant Teters à poser sa voix pour quelques phrasés R&B bien sentis. On rira des parties clavier et guitare un peu délirantes, dans le bon sens du terme. Une folie appréciable encore une fois, pour un titre malheureusement court, et peut-être un peu anecdotique. Peut-être pourra-t-on justifier son existence en tant que transition vers « Jaypian », qui présente une sorte de « battle » entre les deux batteurs relativement fun à écouter, accompagné d’une ligne basse/guitare en descente chromatique presque parodique, semblant dire qu’il fallait bien jouer quelque chose. En réalité, la ligne n’est pas totalement sans intérêt : elle permet de mieux apprécier la performance des batteurs et leur capacité à s’éloigner et à revenir sur le 4/4 initial, quitte à parfois imposer un rythme totalement différent à l’ensemble. Ainsi se suivent donc trois expérimentations qui semblent de parfaites transitions, mais qui restent symptomatique d’un des plus gros problème de l’album : s’agit-il d’un album ? On le sait, le format pop a depuis longtemps délaissé la conception en terme d’album, ceux-ci n’étant plus qu’une suite éclectique de singles que quelque journaliste zélé cherchera à lier entre eux par une thématique aussi vague que convenue. Mais le rock, lui, a parfois des résurgences de ces années où chaque album, sans être des concepts, était réfléchi en tant que tel. Or, il semblerait que Ofthe n’ai pas véritablement pris de décision : la transition et l’unité se feront peut-être, au hasard du déroulement des pistes. Une prise de position pas critiquable en soi, mais qui mérite peut-être une révision sur un éventuel prochain album, plus conscient de son unité ?

            Mais comment en vouloir à Ofthe lorsqu’arrive « Cry, Die,Fly » ? Difficile de dire ce qui fonctionne si bien dans ce titre. Sans doute le plus pop de l’album, il mêle un arpège funky par le son à la guitare, une basse qui se ballade librement au dessus d’un rythme d’abord lourd, puis s’enrichissant de petites touches diverses, un banjo, parce que banjo, le tout donnant un refrain toujours aussi bien porté par Johanna Teters, mais surtout un solo. Un solo d’une grâce rare, non pas débordant de technicité, mais complètement fascinant. Le bridge qui suit fait la part belle aux batteurs, qui s’en donneront à cœur joie sur les derniers refrains, accompagnés par Teters qui aura décidé de montrer que, oui, elle peut faire encore mieux vocalement que dans le reste de l’album avec une très belle descente vocale, puis une montée d’une grande finesse au milieu du tumulte des batteries. Le tout est un concentré de fraicheur, un titre tout à fait présentable sur les ondes les plus mainstreams et pourtant d’une très grande qualité. Alors on se prend à rêver d’une pop plus intelligente, plus innovante, plus cultivée de ce qui l’a précédé, une sorte d’Adèle sous stéroïdes – ou bien sous LSD –.

            Mais il reste trois titres. Dont « Compatible » qui démarre par une guitare pleine de reverb – et sans doute d’un effet reverse quelconque – pour revenir à un mix traditionnel, comme sortant d’un rêve, ainsi que le confirme les premières paroles de la chanson. A la fois jazzy et R&B, le titre enchaîne les bonnes idées de composition, dont un bridge relativement audacieux dans sa progression mélodique, et des phrasés de basse classieux, jusqu’à culminer sur un solo bien senti. De toute évidence le morceau est ici porté par Johanna Teters, dont le chant est omniprésent ; on retrouve cet effet « choral » qui lui est chère, d’inspiration assez « Destiny’s Child ». Le seul véritable bémol à faire à ce morceau à l’ambiance relativement relaxante serait peut-être quelques paroles un peu maladroite, à l’instar de « I used to make you breakfast every single day », ce qui, même en comprenant l’idée de rester attaché au quotidien, sonne toujours un peu trop banal pour ne pas glisser dans le comique.

            « 6 to the 8 » nous lance presque dans le free-jazz tant les harmonies sont parfois originales. Une basse, une  batterie fortement dépouillée sur laquelle est placée flanger et delay, quelques notes de guitare et de trompette seules accompagnent la voix qui semble presque improviser tant l’ensemble paraît sans réelle structure, tant les accords semblent parfois presque accidentels. Tout cela n’est pas péjoratif : nous sommes plongés dans un univers singulier, intelligemment construit malgré les apparences, comme un collage de pistes animés moins par une volonté structurante que par un choix émotionnel. Le caractère « improvisé » est renforcé par l’insertion de dialogues entre les musiciens en fin de titre, ce dernier se concluant par le dépouillement total du riff de basse, comme s’il n’y avait plus rien à ajouter.

            Pourtant l’album se conclut avec un autre titre déstructuré, « Pagodes », apparaissant d’abord comme une improvisation orientalisante, mais qui s’avère être en réalité un morceau de Debussy, joué sur plusieurs guitares que Drew cherche à faire sonner comme des pianos. Le toute donne des teintes cristallines relativement plaisantes, ultime expérimentation du compositeur principal qui s’accorde le mot de la fin tout en cherchant peut-être à montrer une dernière fois la diversité de ses influences.

 

            Alors que conclure de Green ? Sans doute que ce n’est pas tout à fait un album, mais bien plutôt un terrain de jeu sur lequel des titres solides, « traditionnels », se mêlent à des expérimentations de longueurs variables mais non sans intérêt. Ofthe présente un projet que l’on aimerait voir réussir : une pop intelligente, éclairée, expérimentale et presque pédagogique tant elle prend soin d’introduire dans un emballage mainstream des folies expérimentales certes légères dans le ton, mais pouvant être déroutantes dans la forme. Faites écouter « Cry, Die, Fly » ou même « My Fire » à tous ceux qui vous diront que l’on ne peut pas sonner pop et faire correctement de la musique ; car il ne faut pas oublier que l’industrie ne manque pas de gens talentueux, mais qu’elle est avant tout une industrie pour laquelle la prise de risque présente des dangers conséquents. Montrons donc que nous voulons plus de Ofthe dans les charts, plus d’expérimentation réussie que de convention ratée. Et si vous n’êtes pas convaincu, ne vous en faites donc pas : Ofthe ne cherche à prendre la place de personne, ils sont trop occupés à ne vouloir ressembler à personne, et à parfois réussir plutôt bien.

         



Acheter l'album: https://drewofthedrew.bandcamp.com/album/green
Extrait sur Youtube : https://www.youtube.com/watch?v=t8PXudersZE

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27 février 2015

Riverside - Second Life Syndrom (2005)

Second Life Syndrome

 

Nationalité : Polonais

Genre : Metal progressif

Membres (au moment de l'enregistrement de l'album) :
- Mariusz Duda (Chant/Basse/Guitare acoustique),
- Piotr Grudziński (Guitare),
- Michał Łapaj (Clavier),
- Piotr Kozieradzki (Batterie),
Label : Mystic Production et Inside Out.
Durée totale : 1h03min55s.
Tracklist :
    1.    After – 03:31
    2.    Volte-Face – 08:40
    3.    Conceiving You – 03:39
    4.    Second Life Syndrome – 15:40
    5.    Artificial Smile – 05:27
    6.    I Turned You Down – 04:34
    7.    Reality Dream III – 05:01
    8.    Dance With The Shadow – 11:38
    9.    Before – 05:23

Contexte d’écoute : Ecouteurs branchés sur Macbook Air (Lecteur : iTunes)

           Pour cette première chronique, nous partons en Pologne ; peu le savent mais l’Europe de l’est recèle, encore aujourd’hui, de nombreuses formations de progressif qui ont déjà faites leurs preuves. Riverside est l’une d’entre-elles.

           

            Parler d’un groupe « underground » en évoquant Riverside serait quelque peu exagéré : le groupe, après douze années d’existence, a vécu de belles expériences à l’instar de l’ouverture de Dream Theater pour son tour d’Europe en 2007 – ils faisaient alors la promotion de leur excellent Systematic Chaos, nous y reviendrons certainement – ou encore le Hellfest en 2013, à l’occasion de la sortie de leur dernier album en date Shine of New Generation Slaves. D’un point de vue critique, le premier album de la formation, Out of Myself, a reçu l’accolade de Metal Hammer, marquant le début d’un certain succès dans la presse spécialisée. Discret Riverside donc ? Oui, mais comme un groupe de progressif du XXIe siècle ; dans le cercle fermé de ce genre qui s’est toujours plu à vivoter plus qu’à exploser, malgré certains groupes « blockbusters », Riverside n’a rien d’une perle méconnue. Juste une perle.

            Alors Riverside, c’est quoi ? On pourrait croire, dans un premier temps, que le classicisme des influences citées (Pink Floyd, Porcupine Tree, Opeth…) en ferait une espèce d’ersatz mal défini d’un progressif des années 80-90. Et dans un sens on aurait raison : le son est effectivement assez loin du grand progressif/psychédélique des Floyd dans les années 70, ou encore du prog théâtral de Genesis à la même époque ; Opeth, Tool, Dream Theater se retrouvent plus facilement dans des morceaux d’une complexité et virtuosité moderne, « métallisante », on dirait même « réglée » ou « carrée ». Et si le premier album, Out of Myself, fait encore sentir son ascendance de façon un peu gauche par endroits – en particulier en ce qui concerne le son général de l’album, le synthé très 80’s prog entre autre –, il est, je pense, assez pertinent d’affirmer que Riverside trouve un véritable son dans Second Life Syndrome, au gré du récit de cette « renaissance ».

            Car comme tout album de progressif qui se respecte, l’album a une histoire, au moins un thème. Celui-ci se veut être une suite directe à l’album précédent, qui nous présentait allusivement l’enfoncement d’un individu à l’intérieur de lui-même, malgré sa lutte pour en sortir, malgré la possible main tendue que représente pour lui l’Amour – capital parce qu’indéfini, parce que pouvant être toutes les formes de l’amour –. L’intérêt était de retrouver ce thème très The Wall dans un contexte beaucoup moins opératique, dans une musique se plaisant bien plus dans une atmosphère introspective, jouant de l’obscurité plutôt que de présenter un récit plus ou moins cohérent, où l’on serait à même de mesurer les causes et les effets – The Wall dévouant des morceaux entiers aux facteurs d’enfermement de Pink lorsque Out of Myself reste à la surface, au niveau de l’individu au prise avec cet état « dépressif » -. Seconde Life Syndrome semble reprendre là où « OK », dernier titre de Out of Myself, s’était arrêté, proposant un revirement dans la volonté de la voix narratrice à ressortir de soi par le biais d’une méthode nouvelle, vivre une autre vie, une vie en tant qu’un autre. Les échos à l’album précédant seront donc nombreux, autant dans les paroles que dans la composition, et il semble difficile de séparer l’un de l’autre. Mon choix de Second Life Syndrome s’est effectué vis-à-vis de la maturité du son de ce second opus en comparaison au premier ; mais il faudrait idéalement avoir l’un en tête pour pleinement profiter de l’autre. Vous êtes prévenus.

 

            Paradoxalement, on commence par avoir un peu peur pour le groupe lorsque Mariusz Duda vient nous murmurer un monologue made in kitchland d’entrée de jeu avec « After ». Alors bien entendu, on comprend l’idée : le narrateur rompt le silence auquel il a été réduit avec « OK ». Mais autant le dire, le coup du murmure introspectif, ça fait assez branlette. Fort heureusement, nous sommes peu après accueillis par une composition éthérée, surprenante, progressant lentement à coup d’harmonies vocales fort jolies sur un rythme tribal. L’ensemble est très beau, très émouvant, bien que manquant peut-être d’un peu de « rentre-dedans ». Il faut dire que la compétition est rude : Out of Myself s’ouvrait sur l’incroyable « The Same River », sans doute l’un des meilleurs titres de l’album, qui courait sur plus de dix minutes avec détours, retours, phrases lancées en pleine chanson avant un solo de guitare enflammé… Forcément, ça place la barre haute. On retrouve tout de même avec plaisir la guitare solo gilmourienne du groupe, pleine de reverb, avec un léger écho, une distorsion claire, sans fioritures… On ne perd pas espoir.

            Et effectivement, il n’y avait pas lieu de perdre espoir. « Volte-face » apporte à peu près tout ce qui nous manquait dans « After ». Son plein, batterie à fond les ballons, riff mortel bien que « simple » - ce qui, encore une fois, n’a absolument rien d’un reproche -, petits phrasés à la Gilmour au milieu de tout ça, voix pleine d’écho qui balance des phrases incompréhensibles, petits breaks rythmiques bien sympathiques… En gros, « The Same River » avait juste été décalé d’une piste. Ouf. A mon sens, c’est même encore plus fort que « The Same River » : absolument tout dans « Volte-face » est épique. La progression du morceau, les sons claviers qui passent du discret appuie au gros son organ, toujours un peu 70’s ici, mais qui semble apporter plutôt que d’enlever à la pertinence du morceau comme ça avait pu être le cas sur Out of Myself. Et lorsqu’il passe au piano, le synthé réalise l’exploit de demeurer suffisamment discret tout en changeant brièvement l’atmosphère du morceau. Les motifs mélodiques de la guitare solo me paraissent comme les meilleurs du groupe à ce jour : simples, élégants, ils accompagnent parfaitement les changements de rythme, d’intensité du morceau. Et mon dieu, ce que Mariusz Duda est cool. Cet homme a un talent incroyable pour faire passer sa voix du contemplatif mélodique au gros bourrin screamer en un claquement de doigt, tout en restant parfaitement organique, au contraire d’autres groupes plus grossiers dans la démarche (oui, je te vise Bullet for my Valentine). La partie basse a ses moments de gloire elle aussi, comme souvent chez Duda ; on la retrouvera plus en avant ailleurs pour notre plus grand plaisir.

            Toutefois, avant d’en venir à cela, il y a la ballade « Conceiving you ». Et il faut le dire, on a quelques droits à ne pas être tout à fait rassurés. Si « I Believe » dans Out of Myself me semble une parfaite réussite, l’EP sorti par le groupe, Voices in my Head, comprenait quelques titres franchement discutables qui avait l’apparence de « Conceiving you » : une jolie mélodie au piano, Duda qui prend son air le plus inspiré et mélancolique, des paroles parfois brillantes, souvent mièvres, bref ce que le progressif peut faire de plus « pop ». Il ne serait pas juste de mettre « Conceiving you » dans le même sac que « Us » ou « Acronym Love » cependant : le titre, certes moins puissant que « I Believe » à bien des égards, n’est pas sans qualités. Malgré une structure un peu classique, le contenu lyrique du titre est assez touchant. Nous sommes face à une chanson d’amour, oui, mais pas tout à fait comme les autres ; nous sommes ici dans l’idée que l’amant conçoit lui-même l’objet aimé, l’éloignant ainsi parfaitement de l’être réel ayant inspiré cette image. En écho à « I Believe », nous sommes en quelque sorte face à un retour dystopique sur l’être aimé du premier album qui n’aura été qu’une chimère. Le récit de « Conceiving you », c’est donc la déchirure à comprendre peu à peu l’écart entre l’amour et l’aimé. Alors je sais que vous devez avoir l’impression d’être revenus en cours de français et que ça vous saoule, mais non seulement il va falloir vous y habituer, mais en plus je me permets de rapprocher ces paroles d’un poème – OH MON DIEU UN POEME – de Robert Desnos assez célèbre, « J’ai tant rêvé de toi », qui comprend des vers comme : « J'ai tant rêvé de toi que tu perds ta réalité. » ; « J'ai tant rêvé de toi que mes bras habitués/En étreignant ton ombre/A se croiser sur ma poitrine ne se plieraient pas/Au contour de ton corps, peut-être. » (in Corps et biens). Il en va à mon sens de la même esthétique ici, à la nuance près que « Conceiving you » inclus ce motif de l’amour illusoire à la globalité du retour sur lui-même que fait le narrateur. Il ne s’agit pas simplement de composer une jolie chanson d’amour avec un poil de tragique, mais bien plutôt d’intégrer le motif de l’amour comme l’une des illusions à abattre dans le retour sur soi qu’exprime Second Life Syndrome, cette volonté de faire à nouveau face à la réalité en commençant par détruire la forteresse d’images que le narrateur s’était employé à bâtir à mesure de l’avancé de Out of Myself. Un joli titre donc, mais qui n’est pas gratuit, et qui s’inscrit pleinement dans le reste de cet album.

            Mais voilà qu’arrive le titre éponyme « Second Life Syndrome ». On entre dans un univers très Pink Floyd. Presque trop. Impossible de ne pas penser à « Shine on you Crazy Diamond » à l’ouverture guitare/nappe de synthé ; l’entrée de la batterie nous éloigne un peu du style sans véritablement l’effacer. La question est : est-ce si gênant qu’on nous rappelle « Shine on you Crazy Diamond » ? A vous de voir. Il faut attendre la batterie nerveuse qui accompagne la partie vocale pour retrouver le son spécifique à Riverside, fait de rythmiques décalées, de riffs extatiques que suivent des longues notes tenues. Une première partie assez classique pour Riverside donc, mais qui a eu le mérite de nous montrer que le groupe n’oublie pas ce bon vieux prog des années 70 qui a aussi sa place dans leur musique. « From hand to mouth », la première partie, a donc la forme d’une sorte de build up qui révèle une relative violence du personnage, annulée d’un seul coup par le passage planant ouvrant la seconde partie, « Secret Exhibition ». Nous entrons alors dans une marche hallucinée, introspective, retour sur un passé fait d’erreurs, servit par une très belle mélodie centrale vers les huit minutes. C’est ici en particulier que l’on remarquera le nouveau travail sonore du synthé, moins grossier, plus ambiant. Puis intervient « Vicious Ritual », troisième partie qui s’ouvre sur un concert de larsen et d’effets vocaux, faisant grimper la tension jusqu’à un riff de basse relativement énormissime sur le rythme de la partie précédente. Tout cela monte progressivement jusqu’au nappage appuyé par les synthé et la reprise du riff de basse par la guitare. Retour vers une relative retenue par la suite, sur le même riff guitare/basse, sur lequel vient se poser la voix par des harmonies rappelant « Volte–face », pour aboutir sur un solo mélodique relativement minimaliste qui laissera toute sa place au reste de la rythmique sans pour autant se cacher. Subtile, c’est le mot pour définir cette troisième partie très travaillée, soignée, qui révèle véritablement les qualités de chaque musicien. J’ai peu parlé du travail du batteur par ailleurs, et si il aura des moments plus imposants, ce titre ne le laisse pas sur la touche, lui permettant de dévoiler sa finesse sur des parties douces, son punch sur des moments intenses. C’est sur ce long solo, marqué par des retours en intensité suivi par des instants de calme à mesure de sa progression, que se clôt le titre qui n’a décidément pas grand chose à envier à certains piliers du progressifs. On regrettera peut-être un certain « classicisme », un manque d’originalité vis-à-vis du son général de Riverside ; mais il me semble qu’il faut écouter « Second Life Syndrome » comme une tentative de dire ce qu’est le son Riverside, tout en se laissant une marge de progression dans laquelle le groupe s’engouffrera sans peine plus tard.

            Et peut-être pas plus tard que sur la piste suivante. Parce que le riff de « Artificial Smile », qui nous accueil d’entrée de jeu, a de quoi surprendre : un véritable riff métal, lourd, puissant, s’éloignant du progressif pour véritablement montrer que Riverside n’est ni Pink Floyd, ni Opeth, ni Dream Theater dans la mesure où le riff ne se veut pas infiniment technique, mais bien plutôt inspiré. Ce morceau est mon coup de cœur : Mariusz Duda nous balance du lourd au chant comme aux paroles, avec un cri de haine assez jouissif, alors que Piotr Kozieradzki nous fait la démonstration à la batterie de son incroyable capacité à diriger le son du morceau, avec l’appuie des claviers. Quant à Piotr Grudziński, on peut dire que c’est son heure de gloire : outre le riff incroyable, c’est sans doute le meilleurs solo de l’album qu’il nous offre, et lorsque la basse vient accompagner sa bonne distorsion rythmique, ainsi que le scream de Duda, on se demande vraiment si on a pas pris la plus grosse claque d’un album de prog depuis Meddle. Bref, vous l’aurez compris, « Artifical Smile » est de loin mon titre préféré de l’album : puissant, varié, il est peut-être ce qui manquait un peu à Out of Myself, un titre plus direct, d’apparence moins raffiné, une explosion de violence qui sert au caractère réflexif du reste de l’album. Un condensé des moments lourds de « Out of Myself » et « Loose Heart » en somme. Mais en encore mieux. Fortiche les gars. Il faudra attendre Anno Domini High Definition pour retrouver de tels sensations à mon sens, quelques années plus tard ; en attendant la réussite est totale sur ce titre.

            Alors comment suit-on « Artificial Smile » ? Pas si mal que ça. « I Turned you Down » s’ouvre sur une partie de basse mélodique franchement jolie, pour poursuivre, après motif mélodique à la guitare, sur quelques secondes quasi-symphoniques. Le titre est porté en majeure partie par la basse, avec l’intervention de la guitare solo sur quelques motifs mélodiques répondant à la voix jusqu’au « refrain » où elle la rencontre finalement avec un nouveau riff d’accompagnement bien sympathique. Les paroles sont assez minimalistes, mais j’ai un certain attachement pour elles, dans la mesure où elles permettent de ne pas trop contaminer la voix de Duda par un verbiage gênant, parasite. On y trouve également un solo assez sympathique, toujours dans l’idée d’appuyer le titre plutôt que de se l’accaparer. Le synthé ne fera qu’appuyer l’ensemble par diverses nappes, sans véritablement se démarquer ; de même que la batterie jouera ici une rythmique assez minimale, quelques soubresauts venant ponctuer le titre sans trop de folies. Un morceau très solide qui ne lasse pas facilement, à la démarche un peu plus libre que le reste de l’album, fait assez rare dans un progressif assez contrôlé comme celui de Riverside.

            Nous retrouvons alors un nouvel instrumental du groupe, inscrit par son titre dans la lignée directe de Out of Myself, « Reality Dream III », les premières et secondes parties se trouvant sur l’album précédent. Sans se démarquer énormément de ses prédécesseurs, « Reality Dream III » nous donne à découvrir le motif mélodique des « Reality Dream » de façon un peu plus brutal, sous forme d’un lent crescendo vers un déchainement guitare/batterie/synthé assez jouissif. On remarquera en particulier le riff vers les 1:40, ainsi que le solo de synthé qui s’en suit, et qui se veulent comme les moments les plus forts du titre. La guitare solo n’est toutefois pas à ignorer, même si elle se veut un peu éclipsée par la performance des claviers, qui reviennent en force en fin de morceau, avec une partie piano puis organ précise et martiale. Mention spéciale pour le petit écho de fin de morceau, moins kitch que le réveil du premier album qui faisait un peu tâche : l’éveil est ici marqué plus subtilement par ce simple effet, faisant résonner la note finale comme un rêve nous saisirait au réveil. Le titre est donc loin d’être dénué de qualités, et est sans doute le meilleurs des « Reality Dream », bien que le second ait été lui aussi plutôt fort au cours de Out of Myself. Après tout, les trois ont été composés par Riverside, et les trois sont excellents, c’est tout bénéf pour nos Polonais.

            « Dance with the Shadow » nous fait revenir dans un progressif presque 70’s dans son ouverture, avec une voix quasi a-capella suivi de quelques notes de guitare planantes ; ce n’est que pour mieux nous surprendre avec l’intro très rentre-dedans qui suit, absolument fabuleuse, à la rythmique puissante et à la charge mélodique forte sans jamais véritablement passer pour un « trop plein ». La reprise de la voix retrouve la traditionnelle tension avant explosion du groupe ; on remarquera l’appuie peut-être un peu insistant du flanger par endroits, qui aura toutefois du mal à nous faire oublier le travail superbe effectué sur la partie vocale, entre harmonie, doublage au murmure, instants screamés… Tout y est pour notre plus grand plaisir. Le synthé se fait plaisir avec un solo au son presque indus vers les 5:40, et on ressent autant de plaisir à l’entendre reprendre cette mélodie après un court break halluciné comme Riverside les aime. La basse porte en général les « couplets », avec une partie efficace, certes moins conquérante que dans « Artificial Smile » ou « Second Life Syndrome », mais pas dénuée de panache. Les paroles nous parlent du moment de vérité qui, paradoxalement, vient enfoncer le narrateur un peu plus profondément dans l’ombre, quitte à emmener le reste avec lui. Vers les 9:50 intervient un véritable moment de jouissance mélodique et rythmique, où se met en place une dernière partie assez incroyable à cette chanson qui n’avait déjà plus rien à prouver : solo de guitare épique, qu’accompagne et reprend le synthé ; ce qui fait relativement plaisir, dans la mesure où ces instruments ont parfois un peu de mal à se rencontrer, à mon sens, dans Riverside. Le titre offre donc 11 minutes incroyablement intenses, faisant vivre un vrai progressif entre technique et inspiration, un pont, pour entrer dans une caricature un peu grossière, un progressif ancien et un progressif moderne.

            Il est alors temps de clore l’album avec « Before », aux sonorités sourdes, démarrant lentement, dévoilant une mélancolie à travers d’une guitare en reverse, de la voix languissante de Duda, d’une basse qu’accompagne le synthé pour former une certaine lourdeur. Le projet a échoué : le narrateur s’est trouvé, au lieu d’enfermé en lui, totalement autre. Pas d’issu : il faut s’enfermer ou se perdre. C’est sur ce constat pessimiste mais ouvert que se clôt, lentement, Second Life Syndrom, après une dernière décharge sonore au fond de laquelle on entend résonner quelques notes élégantes de piano, un passage bien bordélique – au sens positif du terme – qui vient terminer le titre sur une coupure soudaine, un dernier cri en fond. Le voyage est fini. Et bon sang de bois que c’était bien.

 

            Riverside a compris ce que devait être un second album. Plus fort, plus intense sans couper avec ce premier opus plein de promesses qui avait fait parler d’eux, Second Life Syndrome est une sacré réussite, plein d’un progressif moderne qu’on se prend à aimer plus encore à force d’écoutes prolongées. Certes, on eut quelques craintes à l’ouverture, tellement le contraste était saisissant avec l’épique « The Same River » qui inaugurait le voyage précédent ; mais nous voilà très vite rassasiés lorsque suivent des titres aussi épiques que « Volte-face », « Second Life Syndrome », Artificial Smile », « I Turned you down », « Dance with the shadow »… Peut-on ne pas aimer cet album ? Bien sûr. Ceux qui s’attendent à un progressif plus 70’s seront déçus ; ceux qui s’attendent à des paroles moins oraculaires et cryptiques le seront aussi. Mais ce serait vraiment faire mauvaise presse à l’album que de lui reprocher un parti-pris esthétique bien plus que ses faiblesses. Second Life Syndrome c’est le bien, tenez-vous le pour dit ; et Riverside ne s’arrêtera pas là dans son palmarès.



Acheter l'album: http://www.riversideband.pl/en/discography/second-life-syndrome
Extrait sur Youtube : https://www.youtube.com/watch?v=TwXwRnwcelg
Autres albums :
    •    2003 : Out of Myself
    •    2007 : Rapid Eye Movement
    •    2009 : Anno Domini High Definition
    •    2013 : Shrine of New Generation Slaves

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Edward Smith Music Reviews
  • Critique d'albums qui me passent sous la main, de concerts que j'ai l'occasion de découvrir en DVD ou sur Youtube dans le pire des cas. J'accepte volontiers d'écrire une chronique sur votre musique, sans garantie mais avec amour.
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